Pour protéger les écosystèmes marins et renforcer les ressources aquatiques utilisées par l’homme, le Parc national des Calanques a créé des espaces où la biodiversité est préservée de la pêche professionnelle et de loisir : ce sont les « Zones de Non Prélèvement ».
Comment fonctionnent ces zones ? Sont-elles efficaces ?
Immersion.
Qu’est-ce qui nous fait apprécier un beau panorama ?
Il n’y a pas de réponse unique, chacun de nous aime un paysage pour des raisons différentes : on aime la lumière, on imagine des promenades sous les arbres, on se voit plonger au milieu des poissons.
On peut aussi voir dans ce paysage, sa lumière et ses êtres vivants un petit échantillon de la planète qui nous porte, un patrimoine que l’on partage avec les autres Homo sapiens et les autres espèces vivantes.
La biodiversité est la pierre angulaire du fonctionnement de notre planète, la base de notre subsistance, une source primordiale de notre bien-être.
Ce patrimoine est sous pression
De nombreuses perturbations d’origine humaine mettent la Nature en péril.
L’avenir de ces mêmes humains est compromis, leur économie menacée, leur qualité de vie dégradée.
Comment protéger les espèces marines ?
Les étapes de la vie d’une espèce marine
Les organismes marins doivent se développer et s’alimenter sans se faire manger par leurs prédateurs, atteindre leur maturité et se reproduire, ce qui permet à leur espèce de survivre.
Ils trouvent nourriture, abri et lieu de reproduction dans des milieux bien particuliers qui constituent leurs « habitats ». Les habitats sont primordiaux pour la survie des espèces marines et pour la subsistance des humains qui en dépendent.
Les Aires Marines Protégées
Les Aires Marines Protégées (AMP) sont des espaces géographiques délimités et gérés par l’Homme afin de protéger les espèces marines et leurs habitats, préserver les ressources naturelles et les nombreux services qu’elles rendent à l’Homme.
Il existe plusieurs types d’AMP : la protection mise en place y est plus ou moins forte.
Les Zones de Non Prélèvement
Au sein des AMP peuvent être instaurées des Zones de Non Prélèvement (ZNP). Dans une ZNP, la pêche et tout type de prélèvement sont interdits. Les espèces marines y bénéficient alors d’un espace de tranquillité au sein de leurs habitats naturels. Plusieurs effets sont recherchés à travers cette protection.
L’effet réserve
L’écosystème se régénère
Quand les conditions sont réunies dans les ZNP, on observe une augmentation de la diversité (nombre d’espèces différentes), de l’abondance (nombre de poissons de chaque espèce), de la densité (nombre de poissons par unité de surface) et de la biomasse (la masse de matière vivante) des espèces marines. Comment expliquer ce phénomène ?
Prenons l’exemple des poissons
À l’inverse des humains, les poissons voient leur fertilité augmenter avec l’âge.
Comme il vieillit, un poisson grossit, il produit une plus grande quantité d’oeufs et chacun de ses oeufs bénéficie de plus grandes réserves de graisse.
La larve qui en naît est plus robuste, elle a plus de chances de survivre et de se développer en un jeune poisson.
Comment ça fonctionne ?
Les poissons qui vivent dans une ZNP ont plus de chances d’atteindre l’âge de se reproduire car ils y sont à l’abri de la pêche. On s’attend donc à observer davantage de poissons matures dans une ZNP. Ils pondent des oeufs qui donnent des larves puis de jeunes poissons.
D’autres poissons sont attirés dans la ZNP pour se nourrir des larves et des jeunes poissons, puis ils s’y installent durablement. Les différents échelons de la chaîne alimentaire s’équilibrent petit à petit dans la ZNP : c’est ce qu’on appelle « l’effet réserve ».
Si l’on observe des poissons qui occupent le sommet de la chaîne alimentaire, c’est bon signe. Cela indique que toutes les espèces trouvent suffisamment de nourriture sur place pour s’installer : la chaîne alimentaire est bien équilibrée...
La chaîne alimentaire dans les Calanques
Chez les poissons, on distingue les planctonophages, les herbivores, les omnivores et les carnivores dont les piscivores, qui chassent presque exclusivement d’autres grands poissons. La composition de la chaîne alimentaire traduit l’état écologique de l’écosystème. Moins la pression de pêche est forte, plus on trouve de poissons carnivores et omnivores, plus l’écosystème a de chances de fonctionner de façon optimale.
En milieu côtier, l’effet réserve est bien caractérisé chez les espèces de poissons sédentaires qui vivent sur le fond ou près du fond. L’effet réserve est plus difficile à montrer pour des espèces nomades qui ne restent pas forcément dans la ZNP, mais il peut leur être ponctuellement bénéfique en période de reproduction ou pendant la croissance des jeunes.
L’effet débordement
Les ZNP « exportent » du poisson
Lorsque l’espace protégé atteint sa capacité maximale d’accueil, les poissons à la recherche d’habitats adéquats migrent à l’extérieur de la ZNP et colonisent d’autres espaces.
Les oeufs et larves produits à l’intérieur des ZNP sont également transportés à l’extérieur par les courants marins.
Ils grandiront dans de nouveaux territoires, joueront leur rôle dans l’écosystème et se prendront peut-être un jour dans les filets des pêcheurs.
Les bénéfices des ZNP ne s’arrêtent pas là. Les écosystèmes protégés par le statut de ZNP sont plus résistants aux nuisances (pollution accidentelle, etc.) et récupèrent mieux une fois la perturbation passée.
Un écosystème plus souple
Un équilibre fragile
Hélas, des nuisances peuvent perturber ce bon fonctionnement, comme l’apparition de maladies, le braconnage ou l’arrivée d’espèces invasives…
Diversité = résistance
Dans les Calanques, c’est la diversité des espèces qui permet à l’écosystème de revenir rapidement à une situation d’équilibre après une perturbation.
En Méditerranée, il est préférable d’avoir beaucoup d’espèces de poissons différentes plutôt que beaucoup d’individus appartenant à un moins grand nombre d’espèces.
Une ZNP fonctionne comme une caisse d’épargne
Les citoyens constituent un patrimoine dans un espace commun : ils renoncent à prélever des organismes marins dans les ZNP.
Cet espace commun doit être surveillé pour que les espèces protégées fructifient avec le temps et génèrent des intérêts, comme les économies déposées dans une caisse d’épargne.
Des gardes-moniteurs assermentés du Parc national des Calanques et les services de l’Etat patrouillent donc pour sensibiliser les usagers à la préservation du bien commun, rappeler la réglementation et contrôler son application.
Une bonne coordination avec les autorités judiciaires locales est un atout pour que les ZNP soient effectivement protégées et portent leurs fruits.
Au-delà des ZNP…
Protéger à grande échelle
Beaucoup d’espèces marines se déplacent et changent d’habitat au cours de leur vie. Pour protéger ces espèces, il faut protéger les différents habitats qu’elles fréquentent.
On peut établir des ZNP suffisamment vastes pour protéger tous ces habitats, mais ce n’est pas toujours possible pour diverses raisons. L’alternative est donc de créer des réseaux de ZNP à grande échelle. Cela permet de protéger les espèces marines aux différents points du littoral qu’elles fréquentent au cours de leur vie.
Un réseau de protection en Méditerranée
Un jeune poisson né dans les Calanques et qui dérive vers d’autres rivages atteindra plus facilement l’âge de se reproduire si plusieurs espaces protégés sont présents le long du littoral.
Constituer des réseaux d’espaces protégés permet d’augmenter de manière exponentielle les bénéfices attendus de l’effet réserve.